Malgré de nombreuses théories, l’origine du tarot demeure encore obscure et peu d’historiens osent s’aventurer à la préciser. Au XVIIIe siècle, Court de Gébelin voyait dans l’Egypte ancienne la source du symbolisme occidental, s’écriant :
“Si l’on annonçait qu’il existe encore aujourd’hui un ouvrage des anciens Egyptiens, un de leurs livres ayant échappé aux flammes qui ont dévoré leurs magnifiques bibliothèques, contenant leur doctrine la plus pure sur des sujets intéressants, chacun serait sans doute pressé de connaître un livre si précieux, si extraordinaire… Ce livre égyptien, dernier vestige de leurs bibliothèques magnifiques, existe aujourd’hui : il est même si commun que aucun érudit n’a jugé bon de s’y intéresser ; personne avant nous n’a jamais soupçonné son illustre origine. Ce livre est le jeu de tarots…”
Cependant, bien que le tarot soit indubitablement un ouvrage symbolique exceptionnel, Court de Gébelin avance trop rapidement en attribuant son origine à l’Egypte. Il se contente de reconnaître le caractère symbolique de figures autrefois considérées comme fantaisistes, pour y voir immédiatement des hiéroglyphes attribuables aux sages de l’antiquité la plus ancienne.
Une hypothèse plus intrigante a été développée au siècle dernier par des érudits tels qu’Eliphas Lévi, Papus, Stanislas de Guaita et Oswald Wirth : celle de l’origine hébraïque du tarot. Chaque lame majeure des vingt-deux correspond aux vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu. Comme le souligne Wirth, “ce qui frappe avant tout dans le tarot, c’est le nombre 22, qui est précisément celui des lettres de l’alphabet hébraïque. On peut donc se demander si ce n’est pas aux Juifs que nous devons nos vingt-deux figures kabbalistiques.” Certains hermétistes vont même jusqu’à affirmer que ces dessins allégoriques ont été créés par des kabbalistes médiévaux comme supports de réflexions métaphysiques sur les lettres hébraïques.
Quoi qu’il en soit, il semble que le tarot sous sa forme actuelle ait été introduit en Europe vers le XIVe siècle. Des éléments graphiques sur les lames suggèrent cette époque, comme le vêtement du jeune homme sur l’arcane VI, qui reflète la mode de l’époque autour de 1335. La troisième couronne ajoutée à la tiare papale, représentée sur l’arcane du Pape, apparaît vers 1315 ou 1316. Bien que l’aspect médiéval du tarot dans sa forme actuelle soit indiscutable, l’origine précise demeure incertaine, les grands archétypes qui le composent étant éternels de toute manière.
Ce qui reste indéniable, c’est que le tarot forme un ensemble de symboliques extrêmement puissantes qui captivent aisément le regard et l’attention de ceux qui le contemplent. C’est là une dimension qui mérite notre intérêt.
Sources :
- Court de Gébelin. Monde Primitif, Paris, 1781.
- Oswald Wirth. Le Tarot des imagiers du Moyen-âge, Paris, 1927.